Suite de quatre fauteuils estampillés JACOB FRERES, rue Meslée
Sièges Directoire
Le style Directoire
Ce style qui s’étend de Louis XVI à l’Empire a reçu arbitrairement le nom de Directoire puis qu’il recouvre trois régimes politiques différents : soit
– Le gouvernement révolutionnaire 1789-1795
– Le Directoire : 1795-1799
– Le Consulat : 1799-1804
Comme pour les styles précédents, vint le goût de la nouveauté, qui vers 1770, fit naître le style à « l’étrusque » formé d’éléments extraits à la fois de l’Etrurie, de Rome et d’Egypte. Les « Antiques » découverts en Italie et en Egypte donnent le ton de la mode.
Les sièges à l’Etrusque résument à la veille de la Révolution un idéal d’austère classicisme. Ils préfigurent avec quinze ans d’avance le style Empire.
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Georges Jacob
Jacob Frères, rue Meslée
Il nous semble bon de parler tout d’abord de Georges Jacob, le créateur de la dynastie. Il fut l’un des grands maîtres menuisiers en sièges du XVIII° siècle. Très inventif, il créa la mode et fut le précurseur du néo-classicisme jusqu’à promouvoir le style Empire. Après lui, ses deux fils s’attachèrent à perpétuer cet admirable savoir-faire.
L’œuvre de Georges Jacob est immense : exceptionnel par la qualité, la diversité, mais aussi par l’innovation. Sa production est incalculable. Plus de 25 des plus grands musées occidentaux abritent son œuvre. Et ne dit-on pas que l’on ne peut imaginer la quantité des sièges livrés à la reine Marie-Antoinette pour Fontainebleau, Trianon, Rambouillet, Versailles et Saint-Cloud. Le menuisier en sièges Georges Jacob construisit sur les dessins d’Hubert Robert l’archétype des sièges à l’antique en acajou destinés à la laiterie de Rambouillet. Ils furent conservés au Grand Trianon.
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En 1796, Georges Jacob cède son affaire à deux de ses fils Georges et François-Honoré.
Le savoir-faire de Georges Jacob leur avait été transmis. Ils furent associés sous la raison sociale de « Jacob Frères » dont le fer inscrit : JACOB.FRERES RUE MESLEE sur deux lignes.
Le comte de Salverte nous dit que Monsieur E. Dumonthier, administrateur du Garde-Meubles a publié un album dans lequel sont reproduits plus de quarante sièges du Mobilier National qui porte cette empreinte.
Seule l’estampille permet de distinguer leurs ouvrages des sièges Directoire de Georges Jacob, ou parfois même l’estampille est frappée côte à côte. Toutefois, il semble qu’ils n’aient employé presque uniquement le bois d’acajou, ou quelque fois paré d’incrustations.
Le premier Consul fit appel aux fils de Georges Jacob pour remeubler les anciennes résidences royales. Une médaille d’or leur fut décernée à l’exposition de l’an IX. Ils se surpassèrent l’année suivante en présentant un somptueux mobilier de bois sculpté et doré couvert de mosaïques. Mais la plus emblématique représentation de la créativité des frères Jacob ne serait-elle pas l’exceptionnel mobilier livré à Madame Récamier (don au musée du Louvre en 1993) ? Cette méridienne éponyme est dite « Récamier » après le portrait de Juliette Récamier par Jacques-Louis David.
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MUSEES :
–Château de Fontainebleau
– Château de Malmaison
– Château d’Azay le Feron
– Château de Compiègne
– Paris, musée des Arts Décoratifs
– Paris, musée du Louvre
– Paris, musée Marmottan
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Description
Nos fauteuils sont parfaitement représentatifs de la grammaire stylistique du style Directoire, à la période consulaire.
Remarquons la beauté de l’aplomb de ces sièges dits « à l’étrusque ».
1/ Le dossier est renversé à crosse.
– La structure du dossier dessine un arc extrêmement tendu depuis les supports en sabre jusqu’à l’enroulement du dossier.
– Les pieds postérieurs montent de fond sans s’arrêter à la ceinture.
– Le bas du dossier est « à sangles » horizontales écartées par un disque à roson, qui crée un losange très typique du moment.
– L’appui dorsal est monté à tableau.
2/ Les pieds antérieurs fuselés en balustre. Le haut et le bas terminés à bagues moulurées.
– Sur le haut, très élégant bulbe strié qui répond au volume des dés de raccordement des montants.
3/ La ceinture, en arc en façade, est décreusée en aplat pour faire apparaître une fine moulure d’encadrement. Même travail architecturé sur les montants postérieurs.
– Chaque face des dés de raccordement abrite un roson.
4/ L’accotoir est devenu horizontal. Il est embrevé après une courbe légère qui vient s’allier au premier tiers du montant du dossier. Il se termine par un petit enroulement et une palmette stylisée.
Les supports d’accotoirs à bagues sont légèrement fuselés.
5/ Ils sont recouverts d’un ancien cuir noble sur sangles. Les marques d’assise géométriques sont dorées aux petits fers.
La beauté de ces sièges tient au caractère et à la pureté de leur ligne.
A ce moment l’architecte a remplacé l’ornemaniste.
Belle et rare suite de fauteuils à l’Antique de la période Diretoire.
Ils sont estampillés Jacob Frères rue Meslée
(Ebéniste à Paris jusqu’au décès de Georges II le 23 octobre 1803)
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Questionnements !
De l’étrusque au XXIème siècle…. Cette suite de fauteuils ne pourraient-ils pas être la récente création d’un grand designer en vogue !!
Quelle question !! Mais les designers devront tôt ou tard, et par obligation – « car l’ennui naquit un jour de l’uniformité » – réagir face à la paupérisation avérée de l’ « art contemporain » ! qui semble s’autodétruire. Et après ? Une causalité civilisationnelle ?…
Heureusement ! Il y aura toujours les musées !
Et si vous avez encore l’avantage de posséder quelques pièces d’époque du XVIII° siècle de qualité muséale, donc patrimoniale, conservez-les précautionneusement.
Tout ce qui est très rare et très beau sera encore plus cher, car très recherché.
Déjà, en 1955, notre jeune et brillant professeur parisien, dans nos cours de dessin et de modelage, nous conseillait d’épurer nos créations (période de l’école scandinave).
Combien il avait raison ! Mais il fallait créer (ou pour le moins essayer !)
Le XVIII° siècle semble alors incontournable !
Philippe Starck, un des plus grands designers internationaux a « pioché » dans le répertoire des arts décoratifs du XVIII° siècle pour réaliser son fauteuil « Louis Ghost » vendu à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde. Il reprend trait pour trait les canons du cabriolet médaillon Louis XVI : allure générale, pieds en gaine, dés de raccordement au niveau de la ceinture, les consoles d’accotoirs en arc brisé.
La principale différence : le plastique injecté !
CQFD quand le design ne peut plus évoluer, on pastiche le XVIII° siècle.