Commode estampillée Godefroy DESTER d’époque Louis XVI
Un Trianon sur les terres abbatiales ?
Un abbé de Cour Henri Le Cornu de Balivière, aumônier de Louis XVI, important personnage et commendataire de l’Abbaye de Royaumont, fit ériger ce magnifique palais en 1787. Cette architecture de plaisance pourrait faire songer à Ledoux, Vignole, Palladio ? Non, elle ne fût pas conçue par un architecte mais par l’ingénieur Louis le Masson passionné par les canons Antiques gréco-romains du néo-classicisme italien, tout en apportant les techniques nouvelles de son art à cet édifice.
En 1789, la construction de l’abbaye s’achève, les privilèges sont abolis et les biens du clergé après la prise de la Bastille. Monseigneur de Balivière qui espérait recevoir Marie-Antoinette dans ce nouveau Palais, ne l’habitat jamais. Il du émigrer.
En 1923, le Palais fut acheté par le baron Eugène Fould et la baronne son épouse Marie-Cécile Springer. Ils l’équipèrent de meubles et objets d’art de très grande qualité. Leur fille Liliane Fould-Springer et son époux Elie de Rothschild se rendirent souvent dans ce magnifique domaine.
Notre commode est une œuvre issue de la collection Fould-Springer. Elle participa au décor du Palais abbatial de Royaumont : très rare union néo-classique d’un grand goût.
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Très belle commode de forme orthoédrique en placage de bois de satiné disposé horizontalement.
Elle ouvre à deux tiroirs de long à traverse dissimulée présentant trois compartiments délimités par un ressaut central légèrement saillant. Sous le marbre, un rang de tiroirs plus étroit offre le très beau décor d’une tresse de cercles en frise très finement ciselée, rosaces centrales et léger feuillage aux intervalles. Disposée en trois parties suivant le plan central, cette frise est apposée dans un logement décreusé plaqué de bois teinté vert. Les deux parties extrêmes munies de discrets boutons de préhension en bronze.
Une ceinture en laiton fondu souligne ce précieux décor. Même disposition sur les parties latérales.
Les angles des montants antérieurs à léger ressaut et largement abattus forment méplat, puis suivent les pieds en gaine disposés en diagonale.
Encadrant cette frise et en chute des montants, un très beau bronze de forme géométrique à fleurettes et triglyphe vient apporter une verticale qui équilibre le visuel de ce décor recherché qui s’unit et contraste avec les plans ligneux horizontaux des grandes surfaces du placage.
Verrouillage de l’ensemble des tiroirs par la serrure centrale.
Au bas, le cul de lampe en bronze doré épouse les contours très découpés du tablier.
Les bronzes dorés tels que fines bagues à denticules, sabots, anneaux de tirage ciselés à tors de lauriers et disques pleins ponctuent le décor de l’ensemble et valorisent la veinure du bois de satiné. Fixation par vis de laiton doré.
Etat de conservation : EXCEPTIONNEL
– Tous les bronzes sont d’origine et dorés à l’or moulu
– Le marbre de Carrare blanc gris veiné est d’origine
– La serrure centrale est d’origine
– Meuble reverni au tampon
Estampille de Godefroy DESTER et marque JMEDimensions :
Hauteur : 89 cm
Largeur : 98 cm
Profondeur : 47 cmGodefroy DESTER réalise ici un meuble d’une grande élégance par sa forme, par la lisibilité de son décor et par l’emploi d’un acajou de satiné d’une grande qualité.
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Godefroy DESTER :
Maître le 27 juillet 1774
Mort le 24 décembre 1805
Godefroy DESTER exerça rue du Faubourg Saint-Antoine jusqu’en 1790. Son atelier étant florissant et connu une certaine prospérité justifiée par son goût et son talent.
Les meubles légers Louis XVI d’une charmante finesse constituent la production de cet ébéniste. Il présente des meubles marquetés de fleurs, de treillages à quatre-feuilles ou revêtus de laque de Chine. Les pièces les plus typiques de son art sont réalisées en acajou et placage d’acajou toujours de grande qualité, de conception très rigoureuse et souvent ornées de frises et baguettes de bronze.
Son art est représenté à Paris au Musée Cognacq-Jay par une petite table Louis XVI marquetée de croisillons à quatre-feuilles en citronnier et sycomore. Artiste de grand talent, Godefroy DESTER travaille pour les grands personnages de la Cour de France. Il faut surtout lui connaître une exceptionnelle commode Louis XVI en placage de satiné ornée de plaques de porcelaine de Paris – décor de bronzes de feuillages, rinceaux et chutes d’angles à cariatides. Cette magnifique commode faisait partie d’une paire livrée au Palais du Temple en 1785 pour le Comte d’Artois. On peut citer également une bibliothèque dans les collections San Donato, un bonheur du jour appartenant à la Comtesse de Malherbe ainsi qu’une gracieuse commode en laque au château de Fontaine-Henry dans le Calvados.
Bibliographie
KJELLBERG, P. (1998). Le mobilier français du XVIII° siècle. Paris: Les éditions de l’amateur.
SALVERTE, C. F. (1953). Les ébénistes du XVIII° siècle, leurs oeuvres et leurs marques. Paris: Vanoest, Les éditions d’art et d’histoire.
De GAIGNERON, A. (1982). L’inconnu de Royaumont, Connaissance des Arts, p.109-113, n° 370