Commode « à la Régence » estampillée Pierre DANEAU d’époque Louis XV
Une remarquable et exceptionnelle commode de château en marqueterie de bois de violette
Deuxième quart du XVIII° siècle
Descriptif :
La façade à léger galbe ouvre à quatre tiroirs disposés sur trois rangs. Les traverses apparentes montées à cannelures laiton.
La disposition marquetée de la façade est divisée par les six compartiments des poignées de tirage séparés par les cartouches des entrées de serrures. Les côtés fortement galbés à décor losangé.
Chaque compartiment présente la composition recherchée d’un très bel assemblage de bois violet en frisage en quartefeuille, il est cerné d’un double encadrement contrarié en oblique, d’une plate-bande, et d’un entourage de bois de fil.
Par son choix, la grande qualité du placage de cette précieuse essence accuse la vivacité des couleurs qui intensifie le chatoiement de l’ensemble de cette composition.
Pour valoriser et encadrer ce décor, apporter à son œuvre un reposant équilibre visuel, le maître (ou le Marchand Mercier par ses dessins) accentue la rigueur verticale des montants antérieurs par un large placage en aplat en bois de fil associé au magistral mouvement de la chute. Tel un cadre, il a voulu enserrer le tableau marqueté de la façade, illuminé par ses bronzes et ses cannelures.
La parure des bronzes est majestueuse. Chacun est un objet d’art. Ils égalent les réalisations des plus grands ébénistes de ce moment. On sait que, comme Charles CRESSENT et André-Charles BOULLE, Pierre DANEAU fut propriétaire de ses bronzes.
Les bronzes :
– Les mains de tirage fixes à double prise et large feuillage déchiqueté en applique intègrent en leur centre l’entrée de serrure décorative ovale en miroir et entourage de végétaux.
– Les trois importantes entrées de serrures de la partie médiane sont traitées en blason symétrique sommé d’une coquille offrant une composition naturaliste très architecturée.
– Superbes et importantes chutes d’angles aux « tournesols » inscrites dans un entourage de coquilles et enroulements. L’amplitude du corps s’amenuisant, simulant la liaison avec le sabot.
– La puissance et la richesse des sabots anoblissent l’assise du meuble posé sur un large enroulement rentrant rehaussé par trois feuillages d’acanthe en arête à godrons.
– Au bas, un ample tablier et son cul de lampe à décor asymétrique d’un jeu de volutes centré par un «C» en ombilic à jours.
Un exemple d’équilibre visuel, de force, et de grâce du décor de notre commode ?
Un feuillage d’acanthe du sabot à enroulement rentrant se détache et s’incline en rejoignant la dernière cannelure rectiligne centrée par l’important cul de lampe qui est très aéré.
Maintenant, enlevons ce feuillage et réduisons l’importance du cul de lampe, et imaginons l’enroulement du sabot vers l’extérieur !!!…
Nous comprenons alors mieux le rôle majeur de créateur, et de décorateur du Marchand-Mercier.
Caractéristiques / Etat de conservation :
– Le bâti en bois de chêne et résineux
– Les fonçures des tiroirs en bois de chêne
– Parfaite intégrité du placage dans son épaisseur
– Aucun replacage
– Aucune restauration d’ébénisterie
– Meuble reverni au tampon
– Tous les bronzes d’origine
– Certains bronzes au «C» couronné *
– Toutes les serrures d’origine
– Exceptionnel état de conservation
– Meuble de qualité muséale
Elle est coiffée de son épais marbre rance de Belgique à écoinçons, mouluré à cavet, et bec de corbin.
Travail parisien d’époque du deuxième quart du XVIII° siècle
Estampille du maître-ébéniste Pierre DANEAU**
Dimensions :
Hauteur : 87 cm
Largeur : 148 cm
Profondeur : 64 cm
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La pièce que nous présentons ne peut-être qu’une commande d’un château confiée à un prestigieux marchand-mercier parisien qui en élabora le dessin de l’exceptionnelle prestance de son mouvement et de l’équilibre de ses volumes, alliés à la création de ses éblouissants bronzes ciselés. Une dynamique, et un rythme inhabituel dans la construction d’un meuble à cette époque. Il émane une réelle présence.
Dans le langage des Arts Décoratifs, on dit « qu’il tourne bien ».
La Régence : sommet, style ou transition ?
Située à la jonction des deux plus grands règnes, il est le reflet de l’évolution sociale qui a marqué cette époque. Il est donc essentiellement un style de transition.
La Régence est certainement la période la plus prestigieuse et la plus représentative du Goût Français du XVIII° siècle.
Le Goût d’un Antiquaire ®
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LES MARCHANDS MERCIERS
L’importance du Corps des marchands-merciers dans le commerce des objets d’art au XVIII° siècle
Les marchands-merciers exerçaient le négoce des objets d’art, mais participaient aussi à l’évolution de la création artistique conjointement avec leurs fournisseurs.
Plus que d’adroits commerçants, ils sont des créateurs. Ils peuvent accroître la valeur des objets qu’ils importent, ou qu’ils font fabriquer. Ils savent plaire à leur clientèle en adaptant les produits exotiques, tels les laques, les objets montés de bronze à la mode française selon le goût du moment. Pour accéder au statut de mercier, « il fallait être François, avoir fait apprentissage de trois ans et servi les marchands pendant trois autres années en qualité de Garçon ». Depuis le XIII° siècle jusqu’à la Révolution, cette corporation très puissante était extrêmement structurée, avec des règles strictes. Ils constituaient à Paris le troisième des Six Corps de la Ville où on le considérait comme le plus puissant, le plus nombreux, et dont le commerce est le plus étendu. Chaque mercier possédait sa spécialité, mais exerçait surtout dans le commerce des objets d’art.
L’ébénisterie parisienne, récent métier au début du XVIII° siècle, fournit l’exemple de la mainmise qu’exercent les grands marchands-merciers sur certains très grands ébénistes. Pour asseoir leur notoriété et défendre les intérêts de leur pré-carré ils s’assuraient de l’anonymat de ces ébénistes : pas d’estampille, ou comme pour Bernard van Riesen-Burgh, la simple apposition de ses initiales B.V.R.B.Pour posséder les plus beaux meubles de ce maître comme ceux de Martin CARLIN, entre-autres, il fallait donc s’adresser au mercier.
Les marchands-merciers ont été les acteurs majeurs du développement des arts décoratifs du XVIII° siècle à Paris.
A la Révolution, ils perdirent tous leurs avantages avec la suppression de toutes les corporations par les décrets du 2 et 17 mars 1791.
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