BUREAU PLAT TOUTES FACES
« Bronzes aux masques féminins et satyres »
Attribué à Noël GERARD
Un très rare et important bureau plat « toutes faces » en marqueterie de bois précieux
Travail parisien d’époque de la Régence
Aucune transformation
DESCRIPTIF
Le plateau rectangulaire est garni d’un cuir de couleur châtain, doré aux petits fers et inscrit dans un entourage de frisage de palissandre. Il est ceint de sa lingotière en bronze doré mouluré à bec de corbin : les différentes longueurs de moulages sont brasées puis vissées au revers du plateau comme en voulait l’usage à cette époque.
La ceinture en façade est composée de trois tiroirs rentrants juxtaposés. Celui du centre, de plus importante largeur. Ils présentent un placage en frisage de palissandre en pointes de diamants inscrits dans des croisillons de satiné formant treillages, puis entourage de palissandre en fil contrarié.
Les traverses antérieure et postérieure agréablement découpées offrent une sinuosité alternant accolades et chantournements en pendants. La face visiteurs présente un décor identique. Les tiroirs sont simulés.
Les parties latérales déclinent également un décor similaire. Leur ceinture est en accolade.
Il pose sur quatre hauts pieds facettés à six pans très légèrement galbés – L’arête en façade chanfreinée.
Exceptionnelle ornementation de bronzes ciselés et dorés tels que : mains de tirage pendantes sur attaches en rosaces, et entrées de serrures au blason feuillagé, larges sabots engainants à motif d’acanthe terminés par une double volute. Importantes chutes d’angles composées d’un masque féminin coiffé d’une palmette feuillagée à la chevelure tressée sous le menton et terminé en feuillages, fleurs et rinceaux ajourés. Amples masques de satyres aux traits expressifs, couronnés et entourés de feuillages.
A noter :
La ceinture de notre bureau n’est pas constituée d’une âme de planches légèrement en galbe comme sur les bureaux de style Louis XV ou de planches planes visibles sur les bureaux de style Louis XVI. Elle présente l’architecture particulièrement rare du début du XVIII° siècle.
En coupe, on peut voir qu’elle est travaillée en volume. Sous la table, en bandeau, un méplat en avancée, suivi de la large ceinture légèrement concave.
On apprécie la dynamique d’un mouvement puissant, très agréable sur lequel vient jouer le décor du placage.
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Noël GERARD (avant 1696 – 1736)
Noël GERARD fait partie de ce corpus d’ébénistes de grand renom ayant influencé la conception du mobilier au tout début du XVIII° siècle. André-Charles Boulle donna en premier le ton dès la fin du Grand Siècle avec la maîtrise des décors en première et contre partie de marqueterie d’écaille, de cuivre ou de laiton, sans oublier son ingénieuse idée de transformer le coffre en lui conférant des tiroirs pour plus de commodité, inventant ainsi la commode. Ce meuble a connu très vite un succès étonnant.
Dans la lignée de cette émulation, arrêtons-nous à ses suiveurs tels Noël Gérard, François Lieutaud ou Pierre Moulin. Noël Gérard était non seulement ébéniste mais surtout Marchand Mercier aux affaires très prospères et florissantes. Il possédait en effet l’un des plus importants commerces d’ébénisterie et d’objets de luxe de Paris. Son enseigne du « Magasin Général » installé dans les années 1720 dans l’ancien hôtel particulier de Everhard Jabach – banquier, directeur de la compagnie des Indes et célèbre collectionneur. C’est ainsi qu’il œuvra en tant qu’intermédiaire et sous-traitant. Sa riche clientèle était composée de grands aristocrates, d’ambassadeurs étrangers, et de princes de sang comme le comte de Clermont, ou encore le roi de Pologne, Stanislas Leszczynski.
L’inventaire après décès nous indique près de vingt-trois bureaux, tant en bois noirci, qu’en bois précieux exotiques. Il pare ses bureaux d’un décor figuratif qui lui est propre : le masque de femme coiffée d’une palmette feuillagée, chutes de fleurs et feuillages.
Noël Gérard semble avoir la paternité de la création des têtes de femmes aux angles ainsi que des mascarons de satyres sur les côtés, également utilisés par François Lieutaud. Une influence Boullienne.
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DE LA « BURE » AU BUREAU : une surprenante étymologie
IL semble que le mot « bure » vienne du qualificatif « burel » donné aux laines de couleur grise, brun ou noir. Ou encore dérivé du latin « bura ». La bure était au Moyen Age une étoffe de laine brute, grossière et épaisse qui était le plus souvent utilisée pour confectionner, entre autres, les habits de vêtements religieux, et en particulier les frocs de moine. Elle servait également de tapis que l’on disposait sur les tables de travail dans les monastères, dans les commerces ou chez les changeurs de monnaie par exemple. Elle protégeait ainsi les précieuses reliures et les livres de comptes des taches d’encre, des diverses salissures et des chocs, mais évitait aussi aux jetons servant à calculer de se répandre sur le plateau et d’atténuer le bruit des pièces lors des comptes et des transactions !
C’est ainsi que naît le terme bureau dès le XVIème siècle.
Nous relèverons pour notre bureau quelques caractéristiques propres à ce mobilier de cette époque créative :
- La ceinture a abandonné les caissons et laisse place à trois tiroirs juxtaposés
- La découpe de la ceinture en accolades
- Le galbe des pieds peu accentué qui se prolonge par un léger arc sous les tiroirs
- L’utilisation des essences de palissandre et de satiné
- Volumes et dimensions imposants des bronzes
- Le plateau rectiligne
- Les chutes de masques de femmes et de satyres : une caractéristique de Noël Gérard
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LE STYLE REGENCE
Par sa silhouette, son placage en frisage et son décor de bronzes dorés, notre bureau constitue un exemple caractéristique de la production des années 1720-1730. Campé sur quatre pieds chaussés de sabots de bronze à enroulements, il présente de puissantes lignes qui accentuent sa forme. L’ensemble est réhaussé de magnifiques bronzes dorés disposés selon une symétrie rigoureuse.
Il n’est pas aisé de dater avec précision la naissance du bureau. En effet, le style trop solennel et somptueux du bureau improprement appelé « Mazarin » va peu à peu lasser par sa richesse décorative excessive. C’est vers les années 1700 que le souverain lui-même va commencer à rechercher des décors plus aimables. Le style « Régence » va donc succéder au style Louis XIV avant même la mort du grand souverain. La fantaisie se mêle petit à petit à la richesse et le mobilier présente des lignes plus adoucies.
Mais c’est avec le Régent que ce nouveau style prendra son envol où le goût du confort s’affirme loin de l’étiquette de Versailles. Les nobles et les financiers résident dans de luxueux hôtels particuliers parisiens où le mobilier offre enfin des lignes courbes, la fantaisie se mêle à la richesse. C’est vers 1710 que les ébénistes abandonnent l’utilisation de l’ébène et du bois noirci pour laisser place aux chatoyants placages d’amarante, de palissandre, de bois de violette et de satiné Les bureaux abandonnent aussi les rangées de tiroirs superposés. Ce sont de grandes tables portées par quatre pieds légèrement galbés, sans traverse et munis de tiroirs juxtaposés en ceinture. Le plateau rectangulaire est garni d’un cuir et bordé d’une ceinture en bronze doré. Alors que la Régence historique ne dure que de 1715 à 1723, le style Régence caractérise le premier tiers du XVIII° siècle.
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LE STYLE REGENCE : Un style Transition ?
Pour beaucoup, le plus agréable style français du XVIII° siècle.
Un parfait équilibre entre la rigueur et la solennité Louis-quatorzienne et la légèreté et la fantaisie du style Louis XV.
Le style Régence :
Harmonieux et puissant, il est très recherché par les grands amateurs et collectionneurs des arts décoratifs français du XVIII° siècle.
De plus, ses représentations sont rares