Secrétaire « à encadrement » estampillé Jean-Henri RIESENER d’époque Louis XVI
La puissance architecturale de notre secrétaire représente le classicisme de la deuxième période de l’art de ce maître ébéniste. Celle-ci s’étend de 1775 à 1780 : son style s’affirme, les formes s’épurent encore avec une rigueur presque géométrique, les bronzes sont à motifs néoclassiques. Outre la perfection de la marqueterie et de l’extrême délicatesse des bronzes, les secrétaires de JH Riesener se reconnaissent à leurs trois panneaux bien découpés et leur tiroir supérieur orné d’une délicate frise ajourée.
Estampille :
JH RIESENER et poinçon JME sur le montant arrière gauche
Paris, vers 1780
Matières :
– Bâti de chêne
– Placage d’acajou moucheté et acajou de fil
– Bronzes dorés
– Baguettes de laiton
– Marbre blanc veiné de Carrare
Dimensions :
Hauteur : 147 cm
Largeur : 105 cm
Profondeur : 42 cm
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La façade de notre secrétaire présente une structure classique tripartite, soit au bas deux vantaux, un abattant central, et à l’attique, un large tiroir sous le marbre.
Le tiroir reprend la composition tripartite des commodes de ce maître, avec un décrochement central en faible saillie, orné d’une remarquable frise aux thèmes mythologiques et végétaux, ceux-ci chers à cette époque : la Nature et l’Antique. Au centre de cette frise, un érotès cueillant branchages et roses, Eros enchaînant des cœurs enflammés sortant d’une athénienne brûle parfums aux protomés de béliers dans un univers de nuées. De part et d’autre, notre frise se décline en fins rinceaux ajourés de feuillages et de fleurs épanouies saillantes. Deux délicates mains de tirages pendantes en guirlandes fleuries se fondent dans l’abondance et le raffinement de ce décor, qui en font oublier l’existence même de cette ouverture. Nous n’avons donc plus le visuel normal d’une façade d’un meuble de travail, mais de celui de la mise en scène d’un somptueux décor néoclassique.
Participant au processus créatif, ces bronzes révèlent alors l’extrême minutie des détails et leur ciselure unique.
La surface bipartite principale – abattant et vantaux- présente deux plans identiques mettant en valeur la monochromie des essences d’acajous soulignés par de fins bronzes dorés. En effet, chaque panneau est incrusté en entourage quadrangulaire d’un filet de bronze aux angles rentrants recevant en écoinçons le bronze doré finement ciselé d’un hélianthe. Un double encadrement de filets de laiton accompagne et amplifie la force de ce décor.
Notons que pour compléter l’architecture de cette composition, Riesener a harmonieusement intercalé entre l’abattant et les vantaux un axe d’étroites réserves horizontales incrustées d’un entourage de laiton, rappelant l’équilibre vertical du décor des montants.
Au revers, l’abattant est garni d’un cuir ancien de couleur havane et doré aux petits fers. Il découvre un rayonnage, quatre casiers et six layettes en acajou ondé encadrées d’un filet de laiton, et centrées par un fin bouton de tirage. Au mitan, un double fond en secret est judicieusement actionné par un mécanisme à bouton poussoir intégré dans la serrure à double pêne. L’ouverture de cette cave est d’une discrète ingéniosité : par la distance de son mécanisme et l’inclinaison simultanée de l’abattant.
Ouverts, les doubles vantaux dévoilent un large casier ainsi que quatre tiroirs à bélières ornés également d’un fin filet de laiton sur un fond d’acajou ondé.
Les larges montants antérieurs à pans coupés et à léger ressaut sont sommés d’une remarquable chute où figurent au centre deux oiseaux se becquetant dans l’entourage d’une guirlande de fleurs et de feuillages rubanée parmi les nuées, et se posant sur un panier tressé débordant de fleurs.
Trois cannelures verticales saillantes d’un léger ressaut, incrustées d’un filet de laiton qui se terminent par des lignes de grains fleuronnés rudentées amplifient la puissance des montants. Aux parties latérales, la même disposition du décor que celui de la façade.
Une ceinture de laiton termine sa base avant de poser sur quatre pieds courts de surface quadrangulaire et ornés d’une rosace en quartefeuille.
Nous retrouvons également une frise ajourée en bronze très finement ciselé et doré à l’amortissement des montants postérieurs avec une variante du thème proposé sur la façade. Ici, de fins rinceaux feuillagés entourent un brûle parfum à l’Antique.
Il est coiffé d’un marbre blanc veiné de Carrare à double mouluration à pans coupés saillants.
On peut noter que les fines et discrètes entrées de serrures à filets s’effacent en ne participant pas au décor afin de valoriser la pureté de l’ensemble, son remarquable placage, ainsi que la géométrie du décor incrusté.
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A cette période du XVIII° siècle, une clientèle aisée affectionnait particulièrement et la qualité exceptionnelle et les réalisations que proposaient les meubles à mécanismes.
– Le compartiment secret est activé par un bouton inséré dans le système de serrure de l’abattant
– Une fois fermé, l’abattant verrouille également le tiroir en ceinture
– Une fois fermé, le vantail droit du bas, bloque également le vantail gauche
Pièce irréprochable du plus célèbre des maîtres ébénistes du règne de Louis XVI, Riesener est présent dans tous les grands musées du monde.
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Jean-Henri RIESENER:
Né en 1734 en Allemagne près de Essen en Rhénanie, Riesener entre jeune dans l’atelier du célèbre Maître ébéniste Oeben à l’Asenal où il participa à l’exécution du bureau du Roi. Il devient chef d’atelier à la mort de ce dernier et épouse sa veuve obtenant sa maîtrise en 1768. Ebéniste favori de la Reine Marie-Antoinette, Riesener recevra le titre d’Ebéniste ordinaire du Mobilier de la Couronne en 1774 et aura le privilège de recevoir de prestigieuses commandes de la part des frères, du Roi, de Mesdames, filles de Louis XV mais également de nombreux dignitaires du royaume. Il est le maître incontesté du mobilier Louis XVI et considéré comme le plus grand ébéniste du XVIII° siècle alliant non seulement raffinement et simplicité mais aussi savoir-faire et technicité. Son style et l’art de traité les bronzes sont particulièrement identifiables. En effet, en échappant aux contraintes des corporations, il était habilité à modeler et à exécuter lui-même ses bronzes à la qualité de ciselure irréprochable et somptueuse en déclinant des motifs néoclassiques particulièrement appréciés à cette époque côtoyant de remarquables guirlandes florales. Nous pouvons apprécier cette qualité de bronzes aux or et amatis encore très présents et à la ciselure unique que nous retrouvons sur notre secrétaire.
L’œuvre de Riesener est représentée :
– CHANTILLY, château
– COMPIEGNE, château
– FONTAINEBLEAU, château
– PARIS, Archives nationales
– PARIS, Arts décoratifs
– PARIS, Carnavalet
– PARIS, Louvre
– PARIS, Nissim de Camondo
– SAINT JEAN CAP FERRAT, Ephrussi
– SEVRES, musée céramique
– VERSAILLES, château
– VERSAILLES, Petit Trianon
– LONDRES, Victoria and Albert Museum
– LONDRES, Wallace Collection
– LONDRES, Waddesdon Manor
– CHICAGO, Art Institute
– CLEVELAND, Museum of Art
– DETROIT, Institute of Art
– MALIBU, Paul Getty Museum
– NEW YORK CITY, Metropolitan Museum
– PHILADELPHIA, Museum of Art
– SAINT LOUIS, Art Museum
– SAN MARINO, Huntington Collection
– WASHINGTON, National Gallery
– AMSTERDAM, Rijksmuseum
– LISBONNE, Calouste Gulbenkian
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Références bibliographiques :
– JANNEAU, Guillaume, Ebénistes et menuisiers français – Meubles et Décors, n° 797, Décembre 1964, p. 104-111
– KJELLBERG, Pierre, Le Mobilier Français du XVIIIème Siècle, Les Editions de l’Amateur, Paris, 2002
– KJELLBERG, Pierre, Le meuble français et européen du Moyen-Age à nos jours, Editions de l’amateur, Paris, 1991
– VERLET, Pierre : Le Mobilier Royal Français, Paris ed. Picard, 2000