COMMODE EN ACAJOU MASSIF
PLACAGE D’ACAJOU DE FIL, RONCEUX ET MOUCHETE
Commode en acajou et placage d’acajou estampillée BENEMAN d’époque Louis XVI
De forme orthoédrique, elle ouvre en façade par deux larges tiroirs de long à traverse intermédiaire apparente. Un tiroir supérieur sous le marbre dont la façade présente un rang simulant trois petits tiroirs. Une ceinture souligne et sépare la disposition de ce tiroir, et créé un compartiment sur les parties latérales.
La façade des tiroirs est en placage d’acajou moucheté dans un encadrement à très fines moulurations d’acajou de fil. L’emploi de ces deux essences d’acajou offre une chaude tonalité ainsi qu’une unicité chromatique à la structure de notre commode.
Les parties latérales à panneau à glace. Le compartiment supérieur présente le décor d’un bel acajou de fil blond, puis en contraste, un magnifique acajou ronceux anime le compartiment principal.
Les puissants montants antérieurs sont arrondis, à profondes cannelures, sommés d’une chute en bronze ciselé et doré. En suite de la bague en acajou mouluré de la ceinture, de fines asperges descendantes et montantes s’affrontent, engagées dans les profondes cannelures. Au bas des montants, la moulure circulaire, qui accompagne la traverse basse, puis une bague en bronze doré aux oves au départ du pied tronconique en acajou massif qui pose sur un bronze engainant aux feuillages débordants et perlettes est terminé par une boulle aplatie.
Les bronzes de tirage :
Deux expressifs mufles de lion à crinière, soutiennent par la gueule, une guirlande feuillagée débordante, dont l’intervalle forme la main pendante de tirage.
Les entrées de clefs :
Un beau panier tressé fleuri est supporté par d’exceptionnels rinceaux aux beaux feuillages d’acanthe, puis enroulements centrés par un hélianthe. Cette pièce majeure présente un décor subtilement asymétrique;
(Le mémoire de HAURE, sculpteur, intendant général du Garde-meuble, concernant la commande faite le 6 décembre 1786 : Commode de la Chambre à coucher du comte de Provence à Versailles, 1787 par Guillaume BENEMAN, sont cités : MARIN pour le modèle des bronzes, FORESTIER, BARDIN, BOUCHERY, pour leur fabrication et GALLE pour leur dorure).
Il est donc intéressant de retrouver sur notre commode le même délicat petit panier fleuri mais accolé à un support différent – le bronze au chiffre de Marie-Antoinette – (les bronzes ne devant pas être dupliqués) et participant au décor des entrées de clefs du meuble du château de Versailles. Nous connaissons donc les intervenants concernant le bronze de notre commode.
Elle est coiffée de son marbre brocatelle violette d’Espagne mouluré à cavet renversé (carrière de Tortosa, province de Tarragone, exploitée depuis l’Antiquité. Marbre choisi pour le beau mobilier de XVII° et XVIII° siècles, par exemple à Versailles pour la cheminée de l’antichambre du Dauphin).
Etat de conservation :
Il est exceptionnel
– Les bronzes sont tous d’origine
– Les serrures sont d’origine
– Epaisseur originelle du placage
– Son marbre d’origine accidenté restauré
– Très petites restaurations d’entretien
– Meuble reverni au tampon.
Dimensions :
Hauteur : 89 cm
Largeur : 126 cm
Profondeur : 59 cm
Estampille de Guillaume BENEMAN
Reçu Maître à Paris le 3 septembre 1785
(Frappée sur l’arase de la traverse droite sous le marbre)
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L’œuvre de Guillaume BENEMAN est représenté dans les plus grandes collections des musées internationaux :
– COMPIEGNE, Château :
. Une paire de grandes commodes à étagères d’angle, en acajou et bronze au chiffre de Marie-Antoinette.
– FONTAINEBLEAU, Château :
. Une commode en acajou et bronze à trophées guerriers exécutée pour le cabinet du conseil à Compiègne (estampillée Stöckel et Beneman).
. Paire de commode en acajou ornée de médaillons en biscuit de Sèvres, pour le salon des Jeux de la Reine à Fontainebleau.
. Une commode et secrétaire en acajou, montants en gaine à tête d’Egyptienne, bas-reliefs en bronze doré.
– PARIS, Louvre :
. Une grande commode au décor de colombes et attributs de l’Amour pour la chambre du Roi à Compiègne.
. Une grande commode à trois vantaux en acajou moiré aux bronzes dorés par Thomire et Forestier (d’une paire livrée à Madame Thierry de Ville-d’Avray).
. Un bureau plat en acajou pour la bibliothèque de louis XVI à Fontainebleau.
– PARIS, Nissim-de-Camondo :. Un coffret boîte aux lettres en acajou (attribué).
– VERSAILLES, Château. Une commode en acajou ronceux aux ornements en bronze doré par Bardin et Bauchery et chiffre de Monsieur, frère du Roi.
. Une commode en acajou et bronzes dorés exécutée pour le salon des Nobles de la Reine à Saint-Cloud.
. Un Cabinet de collectionneur plaqué d’acajou et d’ébène.
– VERSAILLES, Petit Trianon :
. Bureau de dame pour le cabinet intérieur de Madame Elisabeth à Compiègne.
– LONDRES, Victoria and Albert Museum :
. Une grande commode en ébène, bronzes dorés et panneaux de mosaïque de marbre du XVII° siècle pour la chambre de Louis XVI à Saint-Cloud.
– LONDRES, Waddesdon Manor :
. Un bureau plat Transition marqueté au chiffre royal et décor de bronzes dorés.
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Guillaume BENEMAN :
Originaire d’Allemagne, Guillaume BENEMAN est le dernier grand ébéniste parisien du XVIII° siècle. Il fut le principal fournisseur de la Cour de France dans les dernières années du règne de Louis XVI.
Dès 1784, il œuvra pour les Maisons Royales, et supplanta J-H- RIESENER, tombé en disgrâce pour ne pas s’être accommodé aux réformes d’économies demandées par l’administration du Garde-Meuble.
La bienveillance du Garde-meuble dont il fut l’objet pour la connaissance de son art, et la haute protection de Marie-Antoinette se manifestera par l’obtention de la maîtrise. Il bénéficiera aussi de nombreuses dépenses pour l’installation d’un atelier ou œuvraient plus de quinze ouvriers et compagnons. Dans son ouvrage, le comte de Salverte nous indique qu’en août 1785, le lieutenant de police adressait à la Communauté des menuisiers de Paris l’autorisation « ou pour mieux dire l’injonction de recevoir cet ébéniste avec dispense des droits et condition de séjour. La maîtrise lui fut accordée le 3 septembre et bénéficia aussitôt de la somme de 1 727 livres à lui procurer l’outillage nécessaire pour occuper seize ouvriers ».
BENEMAN fut responsable des travaux considérables pour la Couronne, sous la direction de Jean HEURE, sculpteur, intendant des travaux du Garde-meuble.
Il s’entoura du concours des plus grands artistes de l’époque pour l’exécution des bronzes : les modeleurs BOIZOT, MARTIN et MICHAUD, des ciseleurs THOMIRE, FORESTIER, BARDIN et BAUCHERY ; aussi des doreurs GALLE et FEUCHERE.
La pleine activité de BENEMAN pour la Couronne se situe de 1784 à 1792 : commandes pour les demeures Royales, le Roi, la Reine, Madame Elisabeth à Versailles, Compiègne, Fontainebleau, le Comte de Provence…
Jean HAURE dirigeait les travaux pour la Couronne dont les créations ainsi que les modifications. Ces conditions de travail contraignaient la créativité de l’ébéniste, qui subissait également les restrictions des réformes d’économies.
Cependant, il exerça ses talents auprès d’une importante clientèle privée. Ses créations témoignent d’une personnalité très affirmée : meubles plus sobres mais d’une conception aussi rigoureuse que les commandes Royales où l’emploi de l’acajou sera prioritaire.
Toutes ses créations, des plus simples aux plus somptueuses se recommandent par la beauté des matières, la délicatesse et le fini du travail.
La puissance architecturale de son œuvre restera sa signature.
Eléments bibliographiques :
– Daniel MEYER, Le Mobilier de Versailles XVII° et XVIII° siècles, Tome 1, Ed Faton, pages 86-87
– Pierre KJELLBERG, Le mobilier français du XVIII° siècle, Les Editions de l’Amateur, page 58